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ENTRETIEN. Le guide Topten est un service en ligne gratuit et accessible à tous qui permet de trouver les appareils les plus économes en énergie, que ce soit un réfrigérateur, une imprimante ou une voiture. Sophie Attali, la directrice du guide Topten, nous présente ce comparateur d’achat d’utilité publique qui vient de fêter ses dix ans.

 

Le Journal de l’énergie : Qu’est-ce que Topten ?

 

Sophie Attali : « Topten est un site Internet dont le but est d’informer les consommateurs sur les produits les plus économes en énergie et qui sont disponibles maintenant sur le marché français. Un consommateur qui veut s’informer vient sur notre site pour trouver une série de références commerciales précises : les produits les plus économes pour un même service.

 

C’est un très gros travail de constituer ces listes de produits. Notre but est de transformer les marchés et d’inciter les fabricants et les distributeurs à proposer plus d’appareils économes en énergie. Topten est basé sur les réglementations et les normes énergétiques européennes en vigueur. Nous voulons parler le langage des fabricants pour les inciter à produire des appareils de plus en plus économes et respectueux de l’environnement. Notre méthodologie est transparente.

 

 Un produit recommandé par notre site consomme entre deux et trois fois moins d’électricité qu’un autre produit qu’on peut acheter au même moment pour le même service.

 

« Nous sommes une sorte de service public : c’est grâce aux financements de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et de l’Europe que toutes nos informations sont publiques, gratuites, et que nous travaillons en toute indépendance et sans recours à la publicité.

 

Nous sommes dix-neuf pays à travailler ensemble. En Europe, nous avons les mêmes réglementations, les mêmes fournisseurs. Pour l’électroménager, il y a cinq ou six groupes maximum actifs en Europe capables de vendre leurs produits dans tous les pays de l’Union Européenne (UE). Pourtant les marchés sont singulièrement différents d’un pays à l’autre. C’est pourquoi on est obligé de travailler dans chaque pays à un niveau très local pour satisfaire le consommateur. Parallèlement, nous travaillons à un niveau global parce que les fabricants sont organisés globalement. C’est ensemble qu’on peut faire masse critique et parler d’une seule voix en faveur des économies d’énergie.

 

 

Pourquoi est-il important d’acheter un appareil économe en énergie ?

 

« C’est important d’abord pour faire des économies d’argent. Un produit recommandé par notre site consomme entre deux et trois fois moins d’électricité qu’un autre produit énergivore qu’on peut acheter au même moment pour le même service. Ca peut faire cher le glaçon alors ça vaut le coup de se renseigner. Les appareils les plus économes peuvent être un peu plus cher au départ, mais on récupère le plus souvent sa mise sur la durée de vie de l’appareil, voire bien avant.

 

 Si on choisit mal son appareil, on continue à surconsommer pendant toute la durée de vie de la machine. 

 

« Un exemple : aujourd’hui il existe des sèche-linge très performants équipés de pompe à chaleur. C’est vrai que ceux qui sont très bien classés sur notre site coûtent un peu plus cher à l’achat à cause de cette technologie relativement nouvelle. Mais si on fait ce « surinvestissement », le sèche-linge équipé d’une pompe à chaleur économise 50 % d’électricité par rapport à un sèche-linge classique sur une durée de vie moyenne de quinze ans. Si on opte pour le sèche-linge classique, on continue à surconsommer pendant toute la durée de vie de la machine. Et là ça devient primordial pour toute la collectivité : il se vend environ 700 000 sèche-linge chaque année et si chaque consommateur fait le bon choix, imaginez la différence ! Moins on consomme d’énergie, moins il y a de pollution, moins il y a d’émissions de gaz à effet de serre, moins il y a de transport des appareils, etc.

 

 

Combien d’électricité pourrait-on économiser si on remplaçait les appareils électriques actuels par les appareils les plus économes à l’échelle de la France ?

 

« En France, si on remplaçait les appareils électriques les plus courants en fonctionnement dans les foyers par des appareils les plus économes choisis par Topten, on économiserait 25 térawattheures (TWh) par an. Ce qui correspond à une économie de 160 euros par ménage par an ou à la production de 3,5 réacteurs nucléaires (cliquez sur l’illustration ci-dessous).

 

En France, on économiserait la production de 3,5 réacteurs nucléaires si on remplaçait les appareils électriques les plus courants par les appareils les plus économes.

 

« De grands progrès ont été faits depuis une génération sur les consommations d’énergie des appareils. Par exemple, les frigos consomment beaucoup moins qu’il y a vingt ans mais le problème c’est qu’on a multiplié les appareils chez soi, qu’on les choisit surdimensionnés et que le nombre d’heures d’utilisation a explosé. On continue à consommer énormément d’électricité alors même que chaque appareil a fait des progrès, notamment grâce aux réglementations européennes avec les étiquettes énergie.

 

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Comment le site Topten fonctionne-t-il ?

 

« En un clic vous trouverez sur notre site l’appareil le plus performant énergétiquement. Si vous cherchez la télé la plus économe, entre 90 et 110 cm de diagonale par exemple, vous arrivez en un clic sur une page qui vous montre trois références qui correspondent à nos préconisations en ce moment.

 

Nous présentons pour chaque type d’appareil les informations qui intéressent les consommateurs (le volume, la taille, le prix moyen, une photo, etc.) et nous rendons visible le coût à l’usage. Il faut certes payer pour acheter un appareil, mais on continue de payer de l’électricité, de l’eau, des détergents, etc. pendant 5, 10 ou 15 ans. Ces dépenses à l’usage sont souvent supérieures au prix d’achat.

 

 Si les consommateurs ne font pas attention, ils peuvent acheter un congélateur qui consommerait 910 euros d’électricité sur 15 ans contre 510 pour un appareil économe.

 

« Nous présentons également, à côté des modèles conseillés, un modèle énergivore déconseillé pour lequel on ne donne pas la marque mais qui existe réellement. Ca veut dire que si les consommateurs ne prennent pas garde, ils peuvent acheter par exemple un congélateur qui consommerait 910 euros d’électricité sur 15 ans contre 510 pour un des appareils conseillés. Sur chaque page de produits sur notre site, il y a un lien vers des recommandations pour aider chacun à prendre conscience des économies possibles lorsqu’on change d’appareil et lors de son utilisation. Nos classements sont réactualisés deux fois par an, parfois plus pour certains produits.

 

C’est quoi « ecoGator » ?

 

« ecoGator », c’est une application gratuite qui montre les produits recommandés par le guide Topten et qui a d’autres fonctionnalités. C’est assez pratique en magasin. Sur le marché il y a énormément de produits, les gens ne savent pas qu’il y a plus de trois mille réfrigérateurs disponibles en ce moment même en France. Les études de marché que nous faisons pour arriver à notre sélection sont impossibles pour un simple consommateur. Il y a peu de chances de trouver un modèle précis recommandé par Topten dans un magasin car il y a très peu d’appareils qui se vendent partout dans toute la France. Avec « ecoGator », on peut scanner l’étiquette énergie de n’importe quel produit qui nous intéresse en magasin et l’application dit tout de suite ce que Topten en pense.

 

 Parfois il vaut mieux choisir une petite télé classée A qu’une grande classée A++.

 

« Par exemple pour une machine à laver, « ecoGator » vous avertira que le classement de l’efficacité d’essorage est très important, surtout quand on est équipé d’un sèche-linge, car extraire l’humidité du linge lors de l’essorage coûte beaucoup moins cher que le séchage du linge dans un sèche-linge. L’application montre clairement les coûts à l’usage de chaque appareil. Ainsi il vaut parfois mieux choisir une petite télé classée A qu’une grande classée A++ (la taille de la diagonale de l’écran détermine la consommation).

 

Topten France vient de fêter ses dix ans, qu’avez-vous vu changer pendant cette période ?

 

« Un premier enseignement : les appareils ont fait de grands progrès entre 2008 et 2012. Or il y a un tassement des progrès depuis 2012. Il faudrait renouveler les réglementations. Cela représente aussi une part de notre travail avec l’ADEME et au niveau de l’Europe. Il y a aujourd’hui un problème avec les étiquettes énergie : une très grande part des produits actuels se situe dans les meilleures classes énergétiques. Or l’étiquette énergie doit mettre en évidence la différence qui existe entre les équipements.

 

Les fabricants n’ont pas la possibilité de montrer qu’ils sont capables de faire mieux parce que la réglementation ne propose pas une classe énergétique au-dessus de A+++.

 

« Si tous les produits sont classés A++, c’est comme s’il n’y avait pas d’information. Les fabricants n’ont pas la possibilité de montrer qu’ils sont capables de faire mieux parce que la réglementation ne propose pas une classe énergétique au-dessus de A+++.

 

Il faut redonner un coup de jeune à ces étiquettes énergie qui commencent à être obsolètes.

 

« Un de nos objectifs est de montrer à la Commission européenne que les fabricants sont capables de faire mieux, qu’ils ont besoin eux-aussi de bons instruments pour travailler et qu’il faut redonner un coup de jeune à ces étiquettes énergie qui commencent à être obsolètes.

 

Deuxième enseignement : le prix d’achat des produits les moins énergivores Topten n’a pas énormément augmenté entre 2009 et 2015 alors que 40 % d’économies d’énergie supplémentaires ont été gagnés sur la même période.

 

N’est-ce pas à l’Europe de faire le travail de Topten ?

 

« L’Europe nous soutient financièrement et sans elle notre travail ne serait pas possible. La flexibilité et le pragmatisme sont le propre de Topten et c’est très difficile à retrouver dans une machine politique de cette envergure. L’Europe a également créé l’outil de base sans lequel nous ne pourrions pas exister : l’étiquette énergie. Il n’y avait rien il y a vingt ans. Les fabricants n’étaient même pas obligés de déclarer la consommation d’énergie de leurs produits.

 

La prochaine génération d’étiquette énergie ne doit pas se résumer à « plus un appareil est grand, plus il a le droit de consommer de l’énergie ».

 

« Maintenant il faut aller plus loin, il ne s’agit pas seulement d’avoir des appareils moins gourmands en énergie pour le même service mais il faut aussi de la sobriété énergétique. On essaye de convaincre la Commission européenne que la consommation énergétique absolue doit mieux être prise en compte dans les politiques et les outils. Par exemple, la prochaine génération d’étiquette énergie ne doit pas se résumer à « plus un appareil est grand, plus il a le droit de consommer de l’énergie ». L’idée est d’introduire un maximum de consommation d’énergie par an. Pour une télé, il faudrait ainsi un maximum de consommation, quelle que soit la taille de l’écran.

 

Comment se fait-il qu’en Europe il n’y ait pas une base de données de tous les produits vendus avec leurs caractéristiques de performance énergétique ?

 

« En Europe, nous étions pionniers il y a vingt ans pour l’étiquette de classement par consommation d’énergie. Elle a introduit une transparence sur la consommation d’énergie de tous les produits. Mais l’Europe était tellement occupée à mettre en place l’étiquette énergie qu’elle n’a pas pensé à créer en même temps un outil pour suivre le marché et du même coup un système qui permettrait de suivre l’efficacité de sa politique. Topten a donc réalisé des rapports – malheureusement périodiques là où il faudrait que ce soit systématique – pour suivre les parts de marché des différentes classes d’appareils afin de vérifier si l’introduction des étiquettes ou des seuils de performance minimale ont un impact. Nous militons pour que l’on puisse suivre l’efficacité des politiques énergétiques et pour constituer une base de données de tous les produits vendus sur le territoire européen avec leurs caractéristiques de performance énergétique. Cela se fait déjà pour les voitures homologuées en Europe.

 

Les fabricants ont-ils une démarche transparente ?

 

« Ce n’est pas très transparent. Comme dans de nombreux secteurs industriels, il y a des groupes qui ont plusieurs marques et il y a des différences de prix qui sont dues à la marque utilisée par le groupe. Si une norme leur donne la possibilité d’exploiter un filon, ils le feront. Par exemple, l’ancienne réglementation définissant l’efficacité énergétique des machines à laver était en fonction de la capacité de lavage des machines.

 

Si les fabricants ont développé des machines aux capacités de lavage de plus en plus grandes, c’est qu’elles étaient mieux classées sur le plan de l’étiquette énergie.

 

« Mon interprétation est que si les fabricants ont développé des machines aux capacités de lavage de plus en plus grandes, c’est qu’elles étaient mieux classées sur le plan de l’étiquette énergie. Il y a moins de dix ans on trouvait beaucoup de modèles de machines à laver de 5 kilos. Aujourd’hui c’est très difficile. Les machines ont une contenance de 7 à 8 kilos et on en propose en magasin jusqu’à 15 kilos alors qu’on sait que la charge moyenne est toujours autour de 4 kilos. Je pense que les fabricants ont exploité cette faille dans la réglementation.

 

Les fabricants peuvent aussi être gênés par des différences de normes techniques internationales et ils optimisent alors leurs produits en fonction du marché. Le téléviseur qui est pourtant un produit très standard au niveau international (beaucoup plus que un réfrigérateur ou une machine à laver) est optimisé pour être bien classé selon le marché. En Chine la norme privilégie plutôt la luminosité de l’écran alors qu’en Europe c’est la taille de l’écran.

 

 Grâce aux nouvelles normes les aspirateurs sont moins énergivores et n’ont pas cessé d’aspirer pour autant !

 

« Les aspirateurs sont un autre exemple intéressant. Jusqu’à très récemment tous les fabricants rivalisaient en puissance et il y avait très peu d’information sur la capacité d’aspiration réelle des machines. Depuis septembre 2014, les puissances maximales autorisées sont limitées – et c’est tant mieux parce que la puissance n’a rien à voir avec l’efficacité du service – et les fabricants doivent afficher sur l’étiquette énergie des aspirateurs l’efficacité d’aspiration en fonction du sol. Aujourd’hui les consommateurs sont mieux informés, les aspirateurs consomment moins car ils sont moins puissants, et ils n’ont pas cessé d’aspirer pour autant !

 

 

Les fabricants respectent-ils les normes de performance énergétique ?

 

« Toute étiquette énergie européenne est basée sur la déclaration des fabricants : il n’y a pas de contrôle de la consommation d’énergie avant d’entrer sur le marché. Si la règlementation européenne prévoit la responsabilité des Etats pour les contrôles a posteriori, dans la pratique il y en a très peu. C’est un système où les fabricants s’observent les uns les autres. Quand un fabricant trouve qu’un autre « exagère », ils essayent de régler ça entre eux et si ça ne marche pas, les médias se chargent du reste, et parfois une plainte est déposée.

 

Certains fabricants ne respectent pas la réglementation. On note par exemple une fraude importante concernant les climatiseurs qui viennent d’Asie et qui consomment beaucoup plus que ce qui est affiché par les fabricants. Ca coûterait moins cher de faire une vérification un peu mieux organisée, au niveau européen. Or L’Europe dit que la responsabilité du contrôle des produits relève de l’Etat où est vendu le produit !

 

 


 

Le Guide Topten : http://www.guidetopten.fr/

 

L’application « ecoGator » : http://blog.guidetopten.fr/appli-mobile/ecogator-une-nouvelle-appli-pour-les-economies-denergie/

 

Photo : Roo Reynolds/Flickr/CC