TRIBUNE. Une nouvelle session de négociations techniques sur le climat s’est terminée vendredi 12 juin 2015 à Bonn en Allemagne. Elle réunissait 196 pays sous l’égide de l’ONU. Objectif affiché : progresser sur le texte qui a vocation à devenir l’accord de Paris lors de la COP21 en décembre prochain. Après deux semaines de discussions techniques, sans surprise, très peu d’avancées ont réellement été décidées.
Pourtant le cap est connu : pour contenir le réchauffement climatique dans la fourchette des 2°C, il est impératif de passer à 100 % de renouvelables pour tous d’ici 2050. Mais comme trop souvent, les changements à l’extérieur des arènes de négociations mettent du temps à influencer les discussions dans la bonne direction. Pourtant ces changements sont visibles et perceptibles : les solutions sont là, elles fonctionnent et ne demandent qu’à être répliquées et développées massivement.
Par Greenpeace France
Une réussite de terrain : l’exemple de Combrailles Durables
La transition énergétique est en effet déjà en marche dans de nombreux territoires français, comme dans la région des Combrailles, située au nord-ouest du département du Puy-de-Dôme. Née de l’envie d’une appropriation citoyenne et locale des projets de développement et des problématiques énergétiques, l’aventure Combrailles Durables a commencé fin 2008 dans le village de Loubeyrat par la création d’une association destinée à mettre sur pied des projets d’énergies renouvelables citoyens, à l’image des coopératives éoliennes du Danemark.
Combrailles Durables c’est aujourd’hui 226 coopérateurs au total, 11 centrales photovoltaïques réparties sur plusieurs villages et 305 mégawattheures (MWh) de production électrique renouvelable annuelle, soit la consommation d’environ 110 foyers. Outre de nouveaux projets de centrales solaires sur bâtiment, la SCIC souhaite développer des projets de centrale photovoltaïque au sol sur des terres en réhabilitation (décharges, délaissés d’autoroute) et un projet de parc éolien citoyen à plus long terme. A cet effet, un mât de mesure de 50 mètres de haut collecte des données depuis plusieurs mois.
Le premier objectif fixé par l’association a été la mise en place d’un projet photovoltaïque sur un bâtiment public. Une souscription associative a alors été lancée en juin 2009 : pour 50 euros, les adhérents de l’association pouvaient devenir symboliquement copropriétaires d’une partie d’un panneau solaire. Grâce à une mobilisation rapide et à la mise à disposition du toit de l’école de Loubeyrat par la commune, c’est pendant l’été 2010 que la première centrale photovoltaïque portée par l’association a été mise en service. D’une puissance de près de 14 kWc (kilowatt-crête), elle permet de produire environ 14 MWh par an.
Une énergie coopérative
Une société locale, Auvergne Solaire Photovoltaïque, a été choisie pour l’installation des 103 m2 de panneaux solaires. Pour réunir les fonds nécessaires à l’installation de la centrale, une souscription publique a été lancée entre juin et décembre 2009 permettant de recueillir 15.200 euros en fonds associatifs et 13.100 euros de la commune de Loubeyrat. L’investissement total de 68.500 euros (hors taxes) a été atteint avec le concours de la Fondation Macif et d’un prêt bancaire auprès de la Nef et de France Active.
L’école, déjà en elle-même un modèle de conception environnementale et énergétique (isolation thermique, production de chaleur assurée par une pompe à chaleur géothermique, récupération des eaux de pluie pour l’arrosage des espaces verts et du stade avoisinant), est en outre devenue la première centrale solaire coopérative financée par des citoyens auvergnats.
Une énergie pour les générations futures
S’inspirant du parc éolien citoyen « Les Ailes des Crêtes » en Champagne-Ardenne, où une éolienne est la propriété exclusive d’enfants, le projet Combrailles Durables met également en avant la dimension symbolique des générations futures puisque les enfants de l’école de Loubeyrat sont les principaux coopérateurs.
En octobre 2010, l’association Combrailles Durables s’est transformée en SCIC (société coopérative d’intérêt collectif), permettant de porter plusieurs projets à la fois tout en diluant le risque entre les coopérateurs et d’associer de multiples acteurs (collectivités, citoyens, entreprises). Tous les adhérents de l’association d’origine ont accepté de transformer leur part associative en part coopérative. La coopérative puise ses fondements dans le désir de produire des énergies renouvelables localement et sans but lucratif, dans une logique de participation citoyenne et démocratique, associant habitants, collectivités locales et entreprises.
Une énergie à développer
Les projets photovoltaïques de la coopérative se sont multipliés avec notamment des installations sur deux autres écoles et sur une annexe de la mairie de Manzat, un village voisin, en 2012. Le 4 juin dernier, la 11ème centrale solaire citoyenne de la coopérative Combrailles Durables est entrée en production dans le village de Ménétrol. Installée sur le toit de la salle polyvalente, elle se compose de 650 m2 de panneaux solaires qui permettront de produire à l’année l’équivalent de la consommation d’électricité de 40 foyers.
Malgré des politiques publiques en retard, des exemples de ce type se multiplient sur le territoire, grâce à l’engagement des citoyens. Aux décideurs maintenant de suivre le rythme et d’accompagner cette transition, au lieu de rester en retrait, loin derrière. Surtout en France, où nous accusons déjà un train de retard conséquent à cause de notre idéologie absurde du « tout nucléaire », laquelle nous pousse aujourd’hui à subventionner une filière en faillite plutôt que de nous tourner vers la promotion active des énergies renouvelables.
Cette tribune a été initialement publiée sur le site Internet de Greenpeace France.