Dans un avis daté du 8 janvier et publié le 9 février sur son site Internet, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) recommande que les recherches « soient approfondies » dans les domaines du conditionnement des déchets nucléaires, de l’enfouissement en profondeur des déchets, du transport de substances radioactives et des accidents nucléaires graves.
Ce document signé de la direction collégiale de l’ASN met en évidence des carences dans la gestion des déchets radioactifs, révèle des incertitudes sur la viabilité du projet Cigéo[1] d’enfouissement des déchets nucléaires les plus dangereux dans l’Est de la France et souligne la fragilité des réacteurs nucléaires face à un accident grave.
La gestion désordonnée des déchets nucléaires
L’ASN rappelle qu’il existe une grande variété de déchets radioactifs parmi lesquels certains sont mal répertoriés, dont on ignore le contenu radioactif et chimique et pour lesquels il n’existe pas encore d’emballage disponible. Un problème aigu qui concerne certains déchets produits par le passé. Entre 1966 et 1998, des déchets de l’usine de La Hague (Cotentin) d’Areva ont été stockés en vrac dans sept installations nucléaires. Ces déchets mal connus doivent maintenant être repris et conditionnés. L’ASN estime que les déchets radioactifs « destinés à être stockés dans une installation de stockage encore à l’étude doivent faire l’objet de recherches sur leur comportement en stockage ». L’Autorité considère aussi que l’on en sait peu sur « le comportement à long terme des colis de déchets en conditions de stockage », ainsi que sur « le comportement à long terme en stockage de matières radioactives qui ne sont pas aujourd’hui considérées comme des déchets », comme les combustibles au plutonium (MOX).
Par ailleurs, l’Autorité souligne un manque de compréhension sur « le comportement des déchets de boues bitumées », des déchets inflammables. Elle note aussi que les connaissances doivent progresser sur la production d’hydrogène – un gaz inflammable et explosif, au sein des « colis » de déchets nucléaires (et particulièrement les déchets contenant du bitume). Or le projet Cigéo prévoit l’enfouissement à 500 mètres sous terre de dizaines de milliers de fûts de déchets radioactifs bitumineux qui présentent des risques d’incendie et d’explosion.
L’enfouissement des déchets nucléaires en question
L’ASN porte un regard sévère sur l’enfouissement des déchets nucléaires en profondeur, jugeant qu’il faut « mieux appréhender les différentes composantes de la sûreté à long terme du stockage ». Elle constate des zones d’ombre autour des « phénomènes physico-chimiques, biologiques, mécaniques et thermiques au sein d’un stockage » et demande le développement de travaux « en vue de la gestion réversible d’un stockage ». L’ASN s’interroge également sur « la transmission des compétences, des savoirs et de la mémoire sur des échelles de temps appropriées ». Beaucoup d’inconnues persistent donc sur les risques liés à l’enfouissement des déchets les plus radioactifs, que l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) voudrait démarrer dans dix ans, en 2025.
L’ASN confirme la vulnérabilité des réacteurs en service
En ce qui concerne les accidents nucléaires graves sur les réacteurs existants et futurs, l’ASN affirme que les données recueillies à ce jour « présentent encore de grandes incertitudes quant à la capacité à prévenir la fusion du cœur ». Des interrogations qui s’étendent à la capacité de la cuve à résister au combustible en fusion, à la tenue de l’enceinte de confinement, ainsi qu’à l’efficacité de la filtration des rejets radioactifs dans l’environnement en cas d’accident grave. L’Autorité rejoint les conclusions de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur la vulnérabilité des réacteurs lors d’un accident de fusion, auxquelles le Journal de l’énergie a récemment consacré un article.
[1] Cigéo : projet de « Centre industriel de stockage géologique » situé à cheval sur les départements de la Haute-Marne et de la Meuse.
Photo : Brighton General (Angus Stewart/Flickr/CC)