Aussitôt lancé, aussitôt suspendu. Taïwan a lancé le 17 février un appel d’offres pour retraiter du combustible nucléaire à l’étranger qui a été gelé par le Parlement taïwanais moins d’un mois après avoir été initié. Le Journal de l’énergie avait révélé en janvier qu’Areva était très intéressé par ce contrat alors que son usine de retraitement de La Hague (Cotentin) tourne au ralenti.
Deux jours après que 45 000 personnes ont manifesté à Taïwan contre l’envoi de combustible nucléaire à l’étranger pour être retraité, la commission des affaires économiques du Parlement taïwanais a décidé le 16 mars la suspension de l’appel d’offres jusqu’à ce que l’Assemblée approuve le budget d’environ 330 millions d’euros qui était dévolu au retraitement.
Des législateurs de tous bords politiques ont accusé l’opérateur public de l’électricité de Taïwan (Taipower) et le ministre de l’Economie d’avoir lancé l’appel d’offres sans les avoir consultés et d’utiliser abusivement des fonds dédiés à la gestion définitive des déchets nucléaires de l’île. Selon Huang Chao-shun, un parlementaire du parti au pouvoir (KMT), Taipower aurait dû organiser des auditions publiques sur le projet de retraitement au vu des vingt années sur lesquelles s’étendrait le contrat et de son coût estimé à environ 50 millions d’euros pour la seule première année. Si l’ensemble du combustible usé de Taïwan était retraité au prix du contrat actuel, cela coûterait environ cinq milliards d’euros à Taipower selon Chen Ming-wen, un parlementaire du principal parti d’opposition (DPP).
Deux centrales nucléaires taïwanaises sur les trois que compte l’île vont devoir être arrêtées prochainement si Taipower ne trouve pas une solution pour évacuer le combustible usé qui s’accumule dans ses piscines de stockage. Le projet de retraitement de 1200 assemblages de combustible usé (environ 200 tonnes de combustible) à l’étranger permettait de ne pas arrêter les réacteurs en libérant de la place dans les piscines et de se débarrasser à bon compte de la gestion sensible politiquement des déchets exportés pendant vingt ans. Taipower qui avait récemment manifesté son intérêt pour la France et l’usine de retraitement d’Areva, envisageait de stocker les déchets nucléaires extrêmement radioactifs et toxiques sur des îles taïwanaises inhabitées à leur retour du retraitement.
Le retraitement est une technique qui consiste à séparer par voie chimique les trois composants majeurs du combustible nucléaire irradié : uranium, plutonium, produits de fission et transuraniens (hors plutonium).
Photo : un camion poubelle (Bernard Laguerre/Flickr/CC)