Les arrêts imprévus de réacteurs nucléaires en France ont quasiment doublé entre 2020 et 2021, passant de 14 à 27.
Il y a encore un an EDF se félicitait d’avoir obtenu la « meilleure performance historique » avec seulement 14 arrêts intempestifs sur le parc nucléaire. L’exploit n’aura pas été renouvelé en 2021. Chaque arrêt imprévu, que EDF nomme arrêt automatique de réacteur (AAR), lui coûte environ un million d’euros par 24 heures d’arrêt. Ces arrêts peuvent avoir un impact sur la sécurité d’approvisionnement électrique et les redémarrages sollicitent beaucoup les réacteurs et contribuent à leur usure.
Le graphique que nous publions en tête d’article est tiré d’un document interne d’EDF daté de janvier 2022. Il indique le nombre d’arrêts automatiques de réacteur sur le parc nucléaire EDF par mois en 2020 et 2021. Les arrêts y sont classés en 2021 selon qu’ils découlent d’erreurs humaines et/ou de l’organisation (Facteurs Organisationnels et Humains, FOH) ou d’une avarie matérielle (MAT).
EDF n’a pas atteint son objectif de limiter au plus à 20 ces AAR en 2021, comme le montre le cartouche vert en haut à droite du graphique d’EDF. Le nombre d’arrêts imprévus a explosé en décembre 2021 (7 arrêts).
Dans un contexte d’érosion de la production du parc nucléaire français depuis 2016, ces arrêts intempestifs révèlent parfois un manque de rigueur et la dégradation des compétences au sein d’EDF. Ainsi certains arrêts étaient complètement évitables. Voici deux exemples dans deux centrales particulièrement affectées par ces arrêts à répétition en 2021.
Une « gaffe énorme » à la centrale du Blayais
A la centrale nucléaire du Blayais (Gironde), le réacteur n°1 s’arrête brusquement le 5 mai 2021. Une réparation sur le réacteur en fonctionnement a provoqué l’arrêt. Les équipes d’EDF avaient pourtant planifié cette opération mais sans anticiper qu’en fermant une vanne importante du réacteur, ils l’arrêteraient.
« Si tu fermes cette vanne, ton réacteur tombe par terre. Tout le monde le sait à EDF. C’est un manque de professionnalisme, un manque de connaissance de l’installation, une gaffe énorme », analyse un ancien pilote de réacteur nucléaire d’EDF. La communication d’EDF sur cet arrêt n’en laisse néanmoins rien transparaître. En interne, la centrale du Blayais a demandé le soutien du siège parisien d’EDF suite à « la forte dégradation des performances AAR du site ».
Deux arrêts imprévus coup sur coup à la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux
A la suite de deux arrêts successifs du réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) les 30 mai et le 1er juin 2021, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a inspecté l’installation. Le premier arrêt de réacteur a été causé par un contrôle d’EDF qui « n’avait pas été mené avec la rigueur attendue », indique l’ASN dans un courrier. Le deuxième arrêt imprévu était tout aussi évitable : « les mesures préventives prises (…) ont manifestement été insuffisantes ou n’ont pas été menées avec la rigueur attendue », juge l’ASN. Le réacteur restera à l’arrêt sept jours au total.
« Pour les arrêts automatiques, il ne s’agit pas d’un problème de vieillissement des installations mais bien d’un manque de rigueur de l’exploitant dans la prise en compte du retour d’expérience », confiera l’ASN à La Nouvelle République en août 2021.
